Violation des données personnelles : la CJUE précise le droit à réparation selon le RGPD

Avec l’explosion des données personnelles collectées et traitées au quotidien, les risques de violation se multiplient, exposant les individus à des préjudices parfois difficiles à quantifier.

Pour y remédier, l’article 82 du RGPD garantit un droit à réparation autant pour les dommages matériels que moraux. Mais jusqu’à quel point ce droit s’applique-t-il ? L’arrêt du 4 octobre 2024 de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a clarifié cette question en fixant les conditions nécessaires pour engager la responsabilité de ceux en charge du traitement de données personnelles

Cette avancée juridique essentielle redéfinit les contours du droit à réparation et ses implications pour tous.

🟠  Comprendre l’article 82 du RGPD  

L’article 82 du RGPD constitue un pilier du droit des données personnelles. Il pose le principe selon lequel un citoyen peut demander réparation pour tout dommage résultant d’une violation du règlement, qu’il soit matériel (comme une perte financière) ou moral (comme une atteinte à la vie privée). Cependant, en l’absence de précisions claires, son application a été sujette à interprétations divergentes au sein des États membres.

L’arrêt du 4 octobre 2024 répond à ces incertitudes en précisant les conditions nécessaires pour engager la responsabilité des entreprises ou sous-traitants dans le cadre d’une violation des données.

🟠  Présentation de l’affaire : faits et enjeux juridiques

L’affaire à l’origine de cet arrêt concernait un particulier en Autriche qui reprochait à une compagnie d’assurance d’avoir violé ses données personnelles en raison d’une erreur de traitement. Bien que le préjudice concret ne soit pas démontré, l’individu réclamait réparation, estimant que l’existence même de la violation constituait un dommage.

 

Le tribunal autrichien, confronté à cette question, a sollicité la CJUE pour déterminer si une simple violation du RGPD pouvait ouvrir droit à indemnisation ou si un dommage spécifique devait être prouvé. Les enjeux étaient doubles : clarifier le champ d’application de l’article 82 et encadrer les droits des victimes face à la responsabilité des entreprises.

🟠   Clarifications de la CJUE : trois point fondamentaux

Dans son arrêt, la CJUE a apporté des éclaircissements majeurs :

  1. Violation, dommage et lien de causalité : des conditions indissociables

La CJUE a établi que l’existence d’une violation du RGPD, bien qu’essentielle, ne suffit pas à obtenir réparation. Trois éléments doivent être réunis :

  • Une violation des dispositions du RGPD,
  • Un dommage effectif, matériel ou moral,
  • Un lien de causalité direct entre la violation et le dommage.

 

  1. Reconnaissance des dommages moraux mais avec des preuves tangibles
  • Les dommages moraux, tels que le stress ou une atteinte à la vie privée, peuvent donner lieu à réparation. Toutefois, ils doivent être prouvés concrètement. Des désagréments mineurs ou de simples inquiétudes subjectives ne suffisent pas pour engager la responsabilité de l’auteur de la violation. .

 

  1. Pas de seuil minimal de gravité requis
  • La Cour a rejeté l’idée qu’un dommage doive atteindre une certaine gravité pour être pris en compte. Tout préjudice, même limité, peut justifier une indemnisation s’il est établi.

🟠   Des conséquences concrètes pour tous les acteurs

 

Cet arrêt marque un tournant pour les entreprises et les particuliers :

  • Pour les entreprises : l’obligation de garantir une gestion irréprochable des données personnelles devient impérative. Prenons l’exemple d’un site e-commerce dont les adresses email des clients sont compromises. Si un client prouve avoir subi un stress important en raison de cette fuite, il pourrait obtenir une indemnisation. Les entreprises doivent donc renforcer leurs mesures de sécurité et être prêtes à répondre à des demandes d’indemnisation même pour des préjudices immatériels.
  • Pour les particuliers : cette décision consolide leurs droits. Ils peuvent désormais se prévaloir de l’article 82 du RGPD pour demander réparation, y compris pour des dommages moraux. Toutefois, les victimes doivent documenter précisément leur préjudice, ce qui nécessite souvent des éléments concrets pour convaincre les juges.

🟠   Une avancée dans la protection des droits numériques

L’arrêt du 4 octobre 2024 représente une étape clé dans l’interprétation de l’article 82 du RGPD. Il établit un équilibre entre la responsabilisation des entreprises et la protection des citoyens. Pour ces derniers, c’est une garantie supplémentaire de voir leurs droits respectés.

Cependant, cette décision interpelle : suffira-t-elle à inciter les entreprises à prévenir les violations à la source ? Face à des cyberattaques toujours plus fréquentes, l’enjeu est de faire de la protection des données personnelles une priorité absolue. Le cadre juridique existe ; il reste à voir comment il sera appliqué dans la pratique.

 

Pour en savoir plus / sources :

Orange, a récemment été victime d’une cyberattaque ciblant sa filiale roumaine. Cette intrusion, confirmé par Orange le 24 février 2025, met en lumière la vulnérabilité persistante des systèmes d’information, même parmi les groupes les plus structurés, et rappelle l’importance d’un encadrement juridique renforcé en matière de cybersécurité.

La protection des données personnelles est au cœur des préoccupations des régulateurs et des citoyens. Récemment, la SNCF s’est retrouvée sous le feu des projecteurs en raison de sa pratique de collecte systématique de la civilité (Madame, Monsieur, âges etc.) de ses clients via son service en ligne SNCF Connect. Une affaire qui a conduit la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à trancher sur la conformité de cette pratique au regard du RGPD.

Le contrôle des salariés par leur employeur est un sujet sensible encadré par des règles strictes en matière de protection des données personnelles. Si un employeur peut mettre en place des dispositifs de surveillance, il doit impérativement respecter les principes du Règlement général sur la protection des données (RGPD), notamment en matière de proportionnalité, d’information et de sécurité des données. Une récente décision de la CNIL illustre les limites à ne pas franchir.

Depuis le 17 février 2025, Apple a commencé à retirer de l'App Store européen les applications dont les développeurs n'ont pas déclaré un statut de commerçant. Cette décision, bien qu'anticipée, s'inscrit dans une politique de conformité au Digital Services Act (DSA). Dès le 16 octobre 2024, Apple avait averti les développeurs que cette exigence serait appliquée, leur laissant plusieurs mois pour se mettre en conformité. Désormais, tout développeur souhaitant distribuer une application sur l’App Store doit fournir un statut de commerçant et des informations de contact vérifiables. Bien que cette mesure soit en accord avec les exigences du DSA, elle suscite des interrogations.