Justice allemande : META jugé responsable pour préjudice moral après une fuite massive de données

En 2021, une importante fuite de données a exposé les informations personnelles de plus de 500 millions d’utilisateurs de Facebook, à la suite d’une faille dans la fonction d’importation des contacts. Cette fuite, qui a mis à jour des données sensibles telles que les numéros de téléphone et les adresses e-mail, a eu un impact majeur sur la sécurité et la vie privée des personnes concernées.

Ce 18 novembre 2024, la plus haute juridiction allemande (la Cour fédérale de justice allemande) a tranché en faveur des victimes de cette fuite en reconnaissant un préjudice moral et en ouvrant la voie à une indemnisation. Cet arrêt marque un tournant important dans la responsabilité des entreprises en matière de protection des données personnelles et soulève d’importantes questions pour les géants du numérique.

🟠 1 – Le contexte de la fuite de données

La fuite a été rendue possible par une vulnérabilité dans la fonctionnalité d’importation des contacts de Facebook, qui permettait à des acteurs malveillants de collecter massivement des informations personnelles des utilisateurs.

Bien que cette faille ait été corrigée en 2019, les conséquences de l’incident sont restées visibles jusqu’à aujourd’hui, exposant un grand nombre d’individus à des risques de vol d’identité et de harcèlement. Cette situation a donné lieu à des plaintes de victimes qui estimaient que META, la société mère de Facebook, n’avait pas pris les mesures nécessaires pour sécuriser leurs données.

🟠 2 – L’action en justice et la décision de la Cour

Face à cette fuite, les victimes ont saisi la justice allemande pour obtenir réparation du préjudice moral qu’elles estimaient avoir subi.

Dans sa décision en date du 18 novembre 2024, la plus haute juridiction allemande a reconnu que les utilisateurs concernés étaient éligibles à une indemnisation. Celle-ci a été fixée à 100 euros par victime, une somme jugée suffisante pour compenser les dommages psychologiques causés par la fuite de leurs informations personnelles.

Cette décision ouvre la voie à une jurisprudence potentiellement novatrice, permettant aux utilisateurs d’obtenir réparation des atteintes à leur vie privée et à leur sécurité numérique.

🟠 3 – Un préjudice moral enfin reconnu

La justice allemande franchit une étape importante en reconnaissant un préjudice moral et en fixant une indemnité de 100 euros par personne. Ce montant, bien que modeste, revêt une importance symbolique en affirmant que les entreprises doivent répondre de leurs négligences.

En outre, cette reconnaissance pourrait encourager davantage de victimes de violations de données à chercher réparation. Cela met également en lumière l’impact psychologique souvent sous-estimé des fuites de données, qui va bien au-delà de la simple exposition d’informations personnelles.

🟠 4 – Un signal fort pour le respect des règles du RGPD 

Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) impose des obligations strictes en matière de sécurité des données personnelles. Dans cette affaire, la justice allemande a considéré que META n’avait pas respecté ces exigences en ne corrigeant pas rapidement la vulnérabilité exploitée. Cette décision rappelle que la conformité au RGPD n’est pas une formalité administrative mais une responsabilité juridique pouvant entraîner des sanctions significatives.

De plus, cette affaire met en exergue l’importance d’une gestion proactive des failles de sécurité. Si META avait réagi plus rapidement, les conséquences de cette fuite auraient pu être atténuées. Ce verdict devrait inciter d’autres entreprises à renforcer leurs protocoles de protection des données pour éviter des litiges similaires.

🟠 5 – La contestation de META : un enjeu européen

META, de son côté, a contesté la décision allemande en invoquant une interprétation trop généreuse de l’indemnisation. La société estime que le montant de 100 euros par victime pourrait créer un précédent problématique, notamment en ouvrant la voie à des indemnisations massives à travers l’Europe.

Cette affaire pourrait également se retrouver devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), qui jouerait alors un rôle déterminant dans la clarification des critères d’indemnisation en cas de violations du RGPD. Une telle évolution pourrait harmoniser les approches judiciaires en Europe et offrir aux victimes une meilleure lisibilité sur leurs droits.

🟠 6 – Les conséquences pour les entreprises

Pour les entreprises, cette affaire constitue un avertissement majeur. Les juridictions européennes montrent de plus en plus une volonté de sanctionner sévèrement les manquements en matière de protection des données personnelles. En plus des amendes administratives imposées par les régulateurs, comme la CNIL, les entreprises peuvent désormais s’attendre à des actions collectives et à des condamnations pour préjudice moral.

Cela souligne la nécessité d’adopter une approche proactive, incluant des audits réguliers de sécurité, des formations pour les employés, et des investissements dans des technologies de protection avancées.

Dans un environnement où les cyberattaques et les fuites de données se multiplient, cette affaire pourrait constituer une étape importante vers une responsabilisation accrue des entreprises.

🟠 Conclusion

La condamnation de META par la justice allemande pourrait faire jurisprudence et inciter d’autres victimes de fuites de données à faire valoir leurs droits. Plus qu’une simple question d’indemnisation, cette affaire illustre la nécessité pour les entreprises de réévaluer leurs priorités en matière de sécurité et de conformité au RGPD. Pour les utilisateurs, c’est un pas important vers une meilleure protection de leurs droits numériques.

 

Pour en savoir plus / sources :

Orange, a récemment été victime d’une cyberattaque ciblant sa filiale roumaine. Cette intrusion, confirmé par Orange le 24 février 2025, met en lumière la vulnérabilité persistante des systèmes d’information, même parmi les groupes les plus structurés, et rappelle l’importance d’un encadrement juridique renforcé en matière de cybersécurité.

La protection des données personnelles est au cœur des préoccupations des régulateurs et des citoyens. Récemment, la SNCF s’est retrouvée sous le feu des projecteurs en raison de sa pratique de collecte systématique de la civilité (Madame, Monsieur, âges etc.) de ses clients via son service en ligne SNCF Connect. Une affaire qui a conduit la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à trancher sur la conformité de cette pratique au regard du RGPD.

Le contrôle des salariés par leur employeur est un sujet sensible encadré par des règles strictes en matière de protection des données personnelles. Si un employeur peut mettre en place des dispositifs de surveillance, il doit impérativement respecter les principes du Règlement général sur la protection des données (RGPD), notamment en matière de proportionnalité, d’information et de sécurité des données. Une récente décision de la CNIL illustre les limites à ne pas franchir.

Depuis le 17 février 2025, Apple a commencé à retirer de l'App Store européen les applications dont les développeurs n'ont pas déclaré un statut de commerçant. Cette décision, bien qu'anticipée, s'inscrit dans une politique de conformité au Digital Services Act (DSA). Dès le 16 octobre 2024, Apple avait averti les développeurs que cette exigence serait appliquée, leur laissant plusieurs mois pour se mettre en conformité. Désormais, tout développeur souhaitant distribuer une application sur l’App Store doit fournir un statut de commerçant et des informations de contact vérifiables. Bien que cette mesure soit en accord avec les exigences du DSA, elle suscite des interrogations.