Telegram et la coopération judiciaire : quel avenir pour la confidentialité des données ?

Le 23 septembre 2024, Pavel Dourov, fondateur de l’application Telegram, a annoncé que les règles de cette application allaient être modifiées afin de coopérer davantage avec la justice, alors même qu’il est placé sous contrôle judiciaire en France. Cette annonce soulève des questions cruciales sur l’avenir de la confidentialité des données personnelles et l’équilibre entre la sécurité nationale et les droits fondamentaux des personnes.

🟠 Telegram : un modèle de confidentialité en mutation

Depuis sa création, Telegram a été conçue pour offrir une forte protection des données personnelles de ses utilisateurs. Son fondateur, Pavel Dourov, a refusé à plusieurs reprises de se plier aux injonctions judiciaires exigeant l’accès aux informations personnelles des utilisateurs. Grâce à cette position, Telegram a pu se démarquer.

Néanmoins, l’annonce récente de Pavel Dourov constitue un tournant majeur. Telegram serait désormais disposée à coopérer avec les autorités judiciaires dans certaines situations, notamment en transmettant des adresses IP et des numéros de téléphone.

🟠 Impact sur le droit à la confidentialité

Ce changement suscite des préoccupations légitimes quant à l’avenir du droit à a la confidentialité sur l’application. Si Telegram accepte de fournir des informations sur ses utilisateurs, même de manière restreinte, cela pourrait ébranler la confiance que de nombreux utilisateurs accordent à cette application.

Le risque d’une surveillance accrue des utilisateurs est une crainte légitime qui pourrait dissuader certains d’utiliser Telegram pour des échanges confidentiels. L’enjeu est de taille, car il concerne directement le droit des individus à préserver leur vie privée à l’ère numérique.  Ainsi, les utilisateurs font face à un dilemme : comment concilier leur besoin de confidentialité avec les exigences de sécurité grandissantes des gouvernements ?

🟠 La coopération judiciaire et l’équilibre entre sécurité et droits fondamentaux

Les autorités judiciaires, dans de nombreux pays, estiment que l’accès à des données personnelles est essentiel afin de lutter contre le crime et le terrorisme et que par conséquent, les plateformes comme Telegram doivent être tenues de coopérer avec les gouvernements dans le cadre d’enquêtes criminelles.

Toutefois, le droit à la confidentialité est un droit fondamental, et de nombreux utilisateurs craignent que la transmission d’informations sensibles, comme les adresses IP et les numéros de téléphones, ne viole leur vie privée. Cet équilibre entre sécurité nationale et droits fondamentaux est d’autant plus délicat que des dérives, tel que l’usage abusif des données personnelles à des fins de surveillance ou de censure, sont possibles.

🟠 Conséquences pour les utilisateurs et les entreprises

Pour les utilisateurs de Telegram, ces changements pourraient avoir des implications directes. La principale inquiétude est liée à la protection de leur vie privée. Le partage de certaines données personnelles avec les autorités judiciaires pourrait dissuader certains d’utiliser cette application.

Quant aux entreprises, la nécessité de respecter ces nouvelles règles pourrait les contraindre à reconsidérer leur utilisation de l’application, surtout si elles manipulent des informations sensibles ou confidentielles. En effet, les entreprises qui garantissent à leurs clients une confidentialité totale pourraient être mises en difficulté si Telegram se retrouve contrainte de partager des informations dans certains cas, exposant potentiellement les données de leurs clients à des tiers.

🟠 Un avenir incertain pour la confidentialité des données sur Telegram

La décision de Pavel Dourov de modifier les règles de Telegram pour répondre aux demandes des autorités judiciaires démontre que même les applictaions les plus engagées dans la protection de la vie privée ne sont pas exemptes des pressions étatiques. L’avenir de la confidentialité des données sur Telegram est désormais incertain.

Si Telegram opte pour une collaboration plus étroite avec les autorités, cela pourrait affecter non seulement sa réputation, mais aussi l’ensemble de l’écosystème numérique, dans le cadre duquel la protection des données personnelles est devenue un enjeu majeur.

🟠 Conclusion

Les utilisateurs, de plus en plus préoccupés par la préservation de leurs données personnelles, sont dans l’attente de plus de détails sur l’étendue de cette collaboration avec les autorités judiciaires. À l’heure où la tension entre la sécurité publique et le respect des libertés individuelles ne cesse de se renforcer, l’avenir de l’application pourrait être grandement influencé par sa capacité à satisfaire ces deux exigences sans compromettre son identité. Telegram, qui a longtemps défendu la vie privée de ses utilisateurs, pourrait devenir un test pour les autres acteurs du secteur technologique.

 

Pour en savoir plus / sources :

https://www.liberation.fr/economie/telegram-la-messagerie-annonce-quelle-transmettra-les-adresses-ip-et-numeros-de-telephone-aux-autorites-20240924_4NR323WZ2JDUZKCXOZIR6LDWAM/

https://www.zdnet.fr/actualites/telegram-pourquoi-la-justice-francaise-a-dors-et-deja-gagne-397692.htm

https://www.courrierinternational.com/article/criminalite-telegram-accepte-de-cooperer-avec-la-justice-un-revirement-considerable_222561

Le Comité européen de la protection des données (CEPD) a rendu deux avis favorables sur les projets de décisions d’adéquation proposés par la Commission européenne concernant le Royaume-Uni. Ces décisions, qui concernent à la fois le RGPD et la directive « Police-Justice », visent à prolonger jusqu’en 2031 le cadre juridique permettant les transferts de données personnelles entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sans mesures supplémentaires.

Dans un contexte européen marqué par l’évolution constante des réglementations numériques, le Comité européen de la protection des données (CEPD) poursuit ses efforts pour garantir une meilleure transparence dans le traitement des données personnelles. Deux initiatives récentes illustrent cette dynamique : la publication de lignes directrices sur l’interaction entre le RGPD et le Digital Markets Act (DMA), et le lancement d’une action coordonnée sur la transparence en 2026.

Le 10 juillet 2025, la Commission européenne a publié la version finale du Code de bonnes pratiques pour l’intelligence artificielle à usage général (GPAI), marquant une nouvelle étape dans la régulation de l’intelligence artificielle en Europe. Ce Code, bien que volontaire, s’inscrit dans un contexte de montée en puissance du Règlement sur l’IA (AI Act), dont certaines dispositions, notamment celles concernant les GPAI, sont applicables depuis le 2 août 2025.

Le 3 septembre 2025, le Tribunal de l'Union Européenne a rejeté le recours d’un citoyen français (M. Philippe Latombe, député français et membre de la CNIL) visant à annuler la décision de la Commission européenne du 10 juillet 2023, établissant l’adéquation du nouveau cadre de transfert de données personnelles entre l’Union européenne et les États-Unis. Ce cadre, connu sous le nom de Data Privacy Framework (DPF), succède au Privacy Shield, invalidé en 2020 par la CJUE dans l’affaire Schrems II. Le DPF repose sur des engagements renforcés pris par les États-Unis en matière de protection des données, notamment via le décret présidentiel 14086, encadrant les activités de renseignement.