La compétitivité des entreprises européennes est devenue une préoccupation majeure pour les décideurs politiques dans un contexte économique mondial en constante évolution. La Commission européenne a récemment chargé Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne et président du Conseil des ministres italien, d’effectuer une analyse approfondie de la compétitivité en Europe. Il aborde également un sujet délicat : le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) dans ses réflexions.
Les critiques de Mario Draghi
Mario Draghi a mis en avant une réalité préoccupante : la surrèglementation imposée par le RGPD pourrait avoir un impact négatif sur la compétitivité des entreprises européennes. Les contraintes administratives découlant du RGPD alourdissent le quotidien des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises (PME), qui manquent souvent des ressources nécessaires pour se conformer à cette réglementation complexe.
Cette critique soulève une question essentielle : comment concilier la protection des données personnelles et la compétitivité économique des entreprises ? Alors que le RGPD a pour objectif de préserver la vie privée des citoyens européens, il est essentiel que les exigences réglementaires ne deviennent pas un frein à l’innovation. En effet, Mario Draghi souligne que la complexité du RGPD pourrait dissuader l’innovation. Il est possible que les entreprises soient découragées d’investir dans de nouvelles technologies ou de développer des services fondés sur des données personnelles par crainte de ne pas respecter la réglementation en vigueur
Vers une évolution du RGPD
Mario Draghi appelle à une réforme du RGPD. Une telle évolution pourrait inclure une simplification des procédures de conformité, permettant ainsi aux entreprises de mieux naviguer dans le cadre réglementaire. Il est également possible que cette réforme puisse entraîner une réévaluation des obligations légales, afin de réduire les contraintes administratives tout en préservant la protection des données personnelles.
L’impact du RGPD sur l’innovation constitue un élément essentiel à aborder. Les entreprises technologiques, en particulier, pourraient bénéficier d’une réglementation plus souple favorisant la recherche et le développement tout en garantissant la protection des données des utilisateurs. Par exemple, l’instauration de modèles de conformité plus souples, qui correspondent à la taille et au domaine d’activité de chaque entreprise, pourrait diminuer la charge administrative et favoriser l’innovation.
L’harmonisation des règles de concurrence
L’harmonisation des règles de concurrence, comme l’a suggéré Mario Draghi, pourrait renforcer la compétitivité des entreprises européennes à l’échelle mondiale. La mise en place de règles claires et cohérentes à travers l’Europe pourrait aider les entreprises à appliquer facilement la réglementation, ce qui est crucial pour attirer les investissements.
Cette harmonisation pourrait également contribuer à la création d’un marché unique numérique, permettant aux entreprises de proposer leurs services et produits à une clientèle européenne sans avoir à se perdre dans une multitude de réglementations différentes. Toutefois, cette approche doit être soigneusement réfléchie. Une harmonisation trop laxiste pourrait nuire à la protection des consommateurs et à la sécurité des données personnelles, ce qui pourrait affaiblir la confiance du public dans le numérique.
La protection des données et la confiance des consommateurs
La confiance des consommateurs est essentielle dans un environnement numérique. Les violations de données personnelles et de la vie privée peuvent avoir des conséquences désastreuses, non seulement pour les individus concernés, mais aussi pour les entreprises qui en sont responsables. Ainsi, toute réforme du RGPD doit veiller à ce que la protection des données reste une priorité.
Mario Draghi souligne que la transparence et la responsabilité sont fondamentales pour maintenir la confiance des consommateurs. Les entreprises doivent être en mesure de prouver leur engagement envers la protection des données personnelles en adoptant des pratiques éthiques en matière de collecte et d’utilisation des informations personnelles.
Les défis à relever
Cependant, la réforme du RGPD et l’harmonisation des règles de concurrence ne sont pas sans défis. La diversité des systèmes juridiques et des cultures réglementaires au sein de l’UE pose une question complexe : comment parvenir à un consensus qui respecte les particularités de chaque État membre tout en répondant aux besoins d’une économie numérique en constante évolution ?
De plus, la nécessité de protéger les données dans un monde où les cybermenaces sont de plus en plus sophistiquées doit également être prise en compte. Les entreprises doivent non seulement se conformer aux règles, mais aussi investir dans des technologies de cybersécurité pour protéger les données des consommateurs.
Conclusion
La mission de Mario Draghi constitue une opportunité pour réévaluer le cadre réglementaire en Europe, notamment le RGPD. Alors que la protection des données reste un enjeu fondamental, il est essentiel de veiller à ce que les exigences réglementaires n’entravent pas la compétitivité des entreprises. Une réforme réfléchie du RGPD, accompagnée d’une harmonisation des règles de concurrence, pourrait offrir un modèle équilibré, favorisant à la fois la protection des données et la prospérité économique en Europe.
À mesure que nous avançons vers un avenir numérique, le défi sera de créer un cadre qui garantit la protection des droits des citoyens tout en permettant aux entreprises de croître et d’innover.
Pour en savoir plus / sources :
Loi anti-narcotrafic du 13 juin 2025 : une ambition freinée par la censure constitutionnelle. Adoptée dans un contexte d’urgence face à l’essor du narcotrafic en France, la loi du 13 juin 2025 visait à doter les autorités judiciaires et administratives de nouveaux outils pour lutter contre les réseaux criminels(I). Mais, si le texte a été promulgué, il n’a pas échappé au contrôle du Conseil constitutionnel, qui a censuré six de ses dispositions, dont les articles 5 et 15 (II).
L’intelligence artificielle (IA) transforme notre quotidien, mais son développement repose souvent sur l’exploitation de données personnelles. Dans ce contexte, la CNIL a publié, le 19 juin 2025, de nouvelles recommandations pour encadrer l’usage de la base légale de l’« intérêt légitime » pour le développement de systèmes d’intelligence artificielle. Ces recommandations visent à concilier innovation technologique et respect des droits fondamentaux. Ainsi, deux nouvelles fiches pratiques ont été publiées sur l'intelligence artificielle. La première précise les conditions d'usage de la base légale de l'intérêt légitime pour développer un système d'IA (I) et la seconde traite plus spécifiquement de la collecte de données via "moissonnage" ou "web scraping (II)
Le European Accessibility Act (EAA) – ou directive européenne sur l'accessibilité – entre en application le 28 juin 2025. Ce texte vise à renforcer l’égalité d’accès aux biens et services pour les personnes en situation de handicap, en imposant des obligations nouvelles aux entreprises privées. Il s’agit d’un changement profond dans la manière de concevoir et de fournir les produits et services numériques sur le marché européen.
Dans un arrêt du 19 novembre 2024, la Cour d’appel de Rennes a rappelé avec force qu’un prestataire informatique est tenu à une obligation d’information et de conseil renforcée, en particulier lorsqu’il intervient sur un système complexe pour un client non-professionnel du secteur dans lequel le prestataire se dit spécialiste.