L’Autorité de la concurrence (ACE) a récemment publié un rapport sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de l’intelligence artificielle (IA) générative. Ce rapport, publié le 28 juin 2024, fait suite à une auto-saisine de l’ACE en février 2024 et à une consultation publique qui a permis de recueillir l’ avis d’une quarantaine d’acteurs et d’une dizaine d’associations. L’IA générative, qui inclut des technologies capables de produire du texte, des images et d’autres contenus de manière autonome, soulève des questions importantes sur la réglementation et les pratiques de marché.
En effet, malgré le lancement récent de ChatGPT par OpenAI en 2022, le marché en pleine expansion est déjà dominé par certains gros noms.
Le rapport met en lumière plusieurs points clés :
🟠 Un fonctionnement Concurrentiel Complexe
L’ACE souligne des préoccupations dans le secteur de l’IA générative, notamment à cause des barrières élevées à l’entrée. L’accès coûteux à des processeurs spécialisés et aux services cloud, ainsi qu’à de grandes quantités de données et des compétences rares rendent le marché difficilement accessible à des plus petits joueurs. Les géants du secteur bénéficient d’avantages considérables grâce à leur accès privilégié aux intrants essentiels et à leur intégration verticale. Leur domination à différentes étapes de la chaîne de valeur [1] et leur capacité à attirer des talents posent des risques pour la concurrence.
En effet, face à Alphabet et Microsoft, les start-ups ne peuvent survivre qu’en créant des partenariats avec eux.
🟠 Huit types de risques identifiés
- Risques d’abus dans les composants informatiques (fixation des prix, restrictions de la production, conditions contractuelles injustes, comportements discriminatoires, et dépendance au logiciel de programmation de puces Nvidia…)
- Risques de verrouillage par les fournisseurs de cloud (pratique déjà identifiée par l’ACE)
- Risques d’accès aux données (refus d’accès et accès discriminatoire pour certain face à l’accès facilité aux autres)
- Risques d’accès à la main-d’œuvre qualifiée (contrat à salaire élevé et clause de non-débauchage)
- Risques liés aux modèles en accès libre (conséquence : verrouillage des utilisateurs)
- Risques de présence sur plusieurs marchés (accord d’exclusivité, ventes liées, limite d’accès à des puces ou à des données grâce à l’intégration verticale)
- Risques de participations minoritaires et partenariats (investissements des géants pouvant affaiblir la concurrence, effets verticaux, transparence accrue, verrouillage de certains acteurs)
- Risques de collusion entre entreprises (l’IA facilitant les pratiques concertées)
🟠 Les recommandations émises par l’autorité
Plusieurs recommandations ont été formulées par l’ACE pour atténuer les risques identifiés. Si globalement, l’accent est mis sur le renforcement du cadre réglementaire pour les services cloud, l’ACE souligne également l’importance d’une juste valorisation des données afin d’en réguler l’accès de manière équitable. En outre, elle recommande d’assurer une transparence accrue des participations minoritaires des géants du numérique dans les petites entreprises, pour prévenir des pratiques anticoncurrentielles et protéger la dynamique du marché.
Ces recommandations, bien que complètes et argumentées, ne sont pour autant pas coercitives. En effet, la compétence consultative de l’ACE ne lui donne qu’un pouvoir limité : elle n’a qu’un impact restreint sur les politiques publiques que le gouvernement engagera. Ainsi, la règlementation future des systèmes d’intelligences artificielles génératives reste dans les mains du gouvernement français et de la commission européenne, en espérant qu’ils écouteront l’avis des experts.
Pour en savoir plus / sources : https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/competence-consultative https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2024-07/24a05_merged.pdf |