L’usage de messageries cryptées : Preuve de clandestinité ou droit à la vie privée

Le tribunal correctionnel de Paris a récemment ouvert un procès contre sept membres de l’ultragauche, accusés « d’association de malfaiteurs terroriste ». L’un des éléments à charge retenus par les enquêteurs est l’usage de moyens de communication cryptés comme Signal, Telegram et Protonmail. Cette décision soulève des questions sur la légitimité de l’utilisation de ces technologies comme preuve de comportement clandestin.

 

🟠 Contexte de l’affaire

L’affaire, initialement surnommée « dossier punks à chiens » par le service de renseignements, concerne sept individus âgés de 33 à 39 ans. Ils sont accusés de préparer une action violente en France et encourent jusqu’à dix ans de prison. Quatre d’entre eux sont également poursuivis pour avoir refusé de fournir les codes de déverrouillage de leurs appareils, un délit passible de trois ans de prison.

🟠 Le rôle du cryptage

Le recours à des moyens de communication cryptés est légal en France. Cependant, dans cette affaire, il a été considéré par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) comme un « comportement clandestin ». Olivier Cahn, professeur de droit pénal, souligne que c’est la première fois que le cryptage des communications constitue l’élément de preuve principal dans une affaire de ce genre.

 

🟠 Controverses et implications

La défense et des associations comme la Quadrature du Net critiquent cette approche. Camille Vannier, avocate de la défense, argue que protéger sa vie privée en ligne est une question d' »hygiène numérique » qui concerne tout citoyen. La Quadrature du Net met en garde contre l’amalgame entre chiffrement des communications et terrorisme, estimant que les compétences en informatique sont « systématiquement assimilées à un facteur de dangerosité ».

 

🟠 Contexte international

Cette affaire intervient dans un contexte où plusieurs pays envisagent de réglementer l’usage des messageries cryptées. Par exemple, l’Union européenne, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont des projets de loi visant à scanner les contenus pour détecter des images pédopornographiques.

 

🟠 Conclusion

L’affaire en cours à Paris soulève des questions cruciales sur l’équilibre entre sécurité nationale et droits individuels. Alors que le cryptage est recommandé par des organismes comme la CNIL et l’Anssi, il semble difficile de concevoir que l’utilisation de moyens de cryptage puissent être, de manière isolée, retenus comme des indices suffisants. Le fait de ne pas communiquer les clés d’accès à des mécanismes cryptés est répréhensible et peut être condamné sur le fondement de l’article 434-15-2 du code pénal. Mais cela constitue t-il réellement un fait probant, notamment si les messages qui s’y trouvaient étaient éphémères et automatiquement effacés, laissant un dossier vide de preuve. Se fonder sur l’absence de preuve reste alors un exercice bien périlleux et pour lequel un cadre très précis devra être défini.

Pour en savoir plus/ Source : https://www.la-croix.com/france/Justice-lusage-messageries-cryptees-preuve-clandestinite-2023-10-03-1201285223

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